Gilbert ZITOUN,  est un artiste français proche du mouvement lié à l’abstraction à Paris et ses peintures trouvent un écho dans le mouvement expressionniste abstrait.
Né à Tunis le 23 février 1926, de l'union de son père Auguste ZITOUN, bijoutier, et de Rachel CHALTIEL. Il est le troisième garçon d'une famille de cinq enfants.

Ses débuts

Gilbert ZITOUN se mit très tôt à la peinture.
Comme une évidence, dès l’âge de 12 ans, il mit un point d’honneur à reproduire les grands peintres classiques.
Très jeune, devant son chevalet, il peint.
Dans ses créations, le trait domine, un trait dépouillé et aigu. Il réalise son premier tableau, le portrait de son grand père, réalisé avec précision et une extrême justesse .
Ses parents s’étonnent, le petit Gilbert est doué, nul doute .. Auguste, son père, est fier mais triste car il ne reprendra pas la bijouterie paternelle...

Après avoir terminé ses études secondaires au Lycée Carnot en 1942, il est reçu à l’école nationale des Beaux Art de Tunis, où il étudie sous la direction d' Armand Vergeaud de 1942 à 1947, le dessin, la décoration, l’histoire de l’art, la peinture, l’architecture, l’anatomie et la sculpture.
En 1942, en pleine Guerre Mondiale, à l’âge de 16 ans, pour quelques sous, le jeune Gilbert se met à faire les portraits des soldats Américains débarqués sur les côtes tunisiennes. Le nombre de soldats et autres personnes intéressées, ne désemplit pas tant le talent de Gilbert est fulgurant. Excellent dessinateur, il arrive en quelques traits à capter l’expression de ces sujets dont il exécute le portrait.
Et l’un d'eux , restera l’un de ses fidèles amis.

En mai 1947, il est, sur concours, diplômé de l’école Nationale des Beaux-Arts et Lauréat de la bourse artistique de voyage décerné par le gouvernement tunisien.

De 1948 à 1951, il part en France, fréquente l’école Nationale de Paris, où il découvre et pratique la gravure, la sculpture et le décor de théâtre.

L'abstraction 

Ces premiers temps à Paris sont pour l'artiste une période essentielle de formation. Il fréquente les musées, les galeries et cherche à comprendre la diversité de la scène française. En pleine reconstitution progressive du surréalisme, d'émergence de l'École de Paris, il découvre avec admiration les premières apparitions de peintres américains tels que Pollock et Twombly.
De nombreux débats ont alors lieu autour de l'abstraction et de la figuration . Il vit et travaille dans un petit appartement dont il a aménagé la salle de séjour en atelier, entre la bohème, la misère et le rêve ..

De 1952 à 1955, Gilbert ZITOUN entame une série de nombreux voyages à l’étranger, étudie dans de nombreux musées en Italie et en Hollande et s’engage dans l'abstraction. Pour lui, « L’abstraction est un moyen et non une fin en soi ».

Avril 1956 : Retour à Tunis. Première exposition particulière de peintures abstraites à la galerie Lesseps. Grand succès - la presse l’encense.

Septembre 1956 : il est nommé Professeur de Dessin et Peinture par le ministère de l’Education Nationale.

Juin 1958 : il épouse Daisy Guetta, un coup de foudre qui se transformera en une union fusionnelle tout au long de sa vie.

De 1958 à 1962, il enseigne successivement aux lycées de Sousse, de Carthage et de Tunis.

En 1962, sur promotion et concours dont il sort major, il est appelé par l’Ecole Nationale des Beaux-Arts à enseigner le Dessin, la peinture, l’anatomie et l’histoire de l’art, puis en devient l’un des directeurs.

Parallèlement, il collabore en tant que critique d’Art à différents journaux tels que la Presse et le Petit Matin.

Membre de l’école de Tunis, il participe également à de nombreuses expositions de groupe à Milan, Rome, Sofia, New-York , Stockholm et Saint-Pétersbourg.

1963 : Deuxième exposition rétrospective particulière à la Galerie des Arts à Tunis.

L’accent est porté sur la composition rigoureuse, l’utilisation de formes géométriques, des masses colorées aux harmonies raffinées qu'il maitrise parfaitement.
Sur de grandes toiles abstraites, il ose s’aventurer dans l’élaboration de celles-ci avec de nouveaux matériaux, caoutchouc, plâtre, sable, créant du relief, des effets inédits ...
Il innove et crée un univers intemporel que seuls les initiés peuvent comprendre.
Nombreuses acquisitions de ses œuvres par l’état Tunisien et par des collectionneurs.

Départ de la Tunisie et arrivée en France

En 1964, c'est l’exode. Il doit quitte son pays...
La Tunisie ayant proclamé son indépendance, après la crise de Bizerte en 1961, tout se complique.
Face à la fin du protectorat français en 1956 et devant la volatilité du renouveau nationalisme tunisien, il choisit sans hésiter la France.
L'appel au départ est quasiment insurmontable pour tous les résidents français qui voient, jour après jour, des familles entières partir, abandonnant tous leurs biens.

Juste avant de partir, sur un excès de colère et de rage, Gilbert ZITOUN brûle toutes ses toiles pour ne rien laisser. Il arrive en France, plus précisément à la Celle Saint Cloud, banlieue Ouest de Paris, où son frère y réside, avec sa femme, ses deux enfants et trois valises.
Il a 36 ans - Tout est à refaire.

De 1965 à 1967, il s'ancre peu à peu et se bat pour prendre sa place. Gilbert est maintenant père de trois enfants, consacre ses activités à sa peinture, aux expositions, à l’enseignement privé au Château du domaine de Saint François d’Assise à la Celle saint Cloud et à l’organisation du salon des Arts Plastiques à la Maison de la culture de la ville. L'un de ses amis, Maurice Kilmenic, mécène et amateur d'art, offre à Gilbert ZITOUN un atelier avenue Foch, pour l'aider. Il peint beaucoup, jour et nuit et produit - ses toiles sont fortes, une grande densité de noir, le trait est évocateur d 'un grand combat - la survie.

Influence expressionniste et fauviste

En réaction à l’impressionnisme français, Gilbert ZITOUN se lance dans une nouvelle série influencée par le mouvement fauviste- influence de Derain et Vlaminck.
Sa peinture est chargée d'émotion et de poésie. Il déforme de manière explicite la réalité, réinvente les sujets, utilisant des couleurs pures et vives.
Le « château Saint François » Huile sur toile -1967, correspond à cette période .
Il revendique un art fondé sur l'instinct et cela lui réussit.

De 1967 à 1968, sur demande du maire, il enseigne le dessin au collège Pasteur .

En septembre 1968, il est nommé par délégation rectorale au Lycée de la Celle Saint Cloud en qualité de Professeur.

Octobre 1968, naissance de son quatrième enfant.

Gilbert ZITOUN travaille et produit sans relâche.
il jouit très rapidement d’une grande popularité. Il expose et son talent s'impose à nouveau.

ZITOUN, disait la critique, c’est un AS en tout, capable de faire aussi bien dans le classique que dans le moderne.
« La peinture , disait-il, est pour moi un combat, un apaisement » et l'inspiration ne lui manque pas.

Retour à l'abstraction

Pour lui « L’abstraction est le fond même de la peinture c’est quelque chose d’essentiel, Il n’y a plus de tricherie, on n’est plus tenu, on est libre et c’est beau ».

De 1970 à1985, professeur le jour, peintre la nuit et toutes les nuits. Il ne compte pas les heures - il doit innover et créer.
L'inspiration ne lui manque pas - il produit et son énergie est étonnante.

Gilbert ZITOUN introduit une toute nouvelle méthode de travail à partir du pliage. Plusieurs séries vont se succéder, correspondant chacune à un procédé différent.
Dans cette première série, une fois la toile froissée de bord en bord, les parties visibles sont peintes avant d'être dépliées, puis tendues, créant un espace totalement recouvert, étrange et mystérieux.
La couleur se fragmente. Comme dans la lunette d un kaléidoscope, on découvre un univers étonnant, comme des combinaisons infinies d'images .
« Ce qui est fantastique, dans un tableau abstrait, disait il , c'est l'ouverture de l'imaginaire et l'émotion qu'il procure à celui qui le regarde. »
Et l'émotion est au rendez-vous sur chacune de ses toiles.

De 1990 à 2000, Il se lance sur des compositions de plus en plus grandes - Rien ne l'arrête - le regard du spectateur se perd dans la couleur - série informelle qui appelle à la méditation. Très Influencé par Mark Rodko et Hantai, il n’hésite pas à provoquer, jouant avec aisance dans la liberté de l'abstraction.

Parallèlement, en tant que professeur, pendant ses cours dans son atelier privé, ZITOUN fait de chaque pose de ses modèles vivants, des croquis à la fois graphiques, parfois torturés, des juxtapositions surprenantes. Le corps de la femme le fascine.
Une grande série de dessin de nu verra le jour.
C’est une ode à la femme libre, charnelle et sensuelle.

« Comme la fleur prend ses racines dans la terre, c’est dans l’homme que l’œuvre d’art prend les siennes ».
L'aventure de Gilbert ZITOUN est comme celle d'un poète, elle n'est jamais le fruit d’une théorie mais celui d'une pulsion intérieure.

Période orientaliste et retour en Tunisie

2008, Gilbert ZITOUN s'installe à Nabeul, dans sa maison face à la mer, près de Sidi Marshi.
De 2008 à 2012, il se lance dans une série de toiles dominées par la nostalgie de son pays .
C'est son havre de paix. Le retour à l’Orient, le figuratif, les scènes de vies quotidiennes, les baigneuses, les arcades, sur fond de Méditerranée, les maisons blanches .
Toutes ces scènes prennent naissance sous l'influence du bleu intense de la mer et de la lumière.
C'est l’apaisement. Nombreuses expositions dans le centre culturel de Tunis et de nombreuses galeries de Paris.

2012-2017, retour à l'abstrait et relief pour des toiles fortes monochrome ou le blanc et le bleu prédominent.

Gilbert ZITOUN, entre optimisme et désespoir

Le grand but qu’il poursuit en art est d’opposer aux réalités dramatiques de la vie, une conception optimiste et de mettre l’accent sur la joie et la beauté qui naissent de ce conflit.
ZITOUN est un homme libre, libre de penser - Sa liberté se traduit par une suite de questionnements qui restera sans réponse, notamment sur son athéisme, qu'il cherchera à élucider tout au long de sa vie. Ses doutes et ses questionnements se lisent sur les traits dessinés par ses pinceaux.

Le 29 septembre 2019, Gilbert ZITOUN s'éteint dans sa propriété à Paris à la suite d’une longue maladie.

Son empreinte est à jamais gravée dans la mémoire collective.